Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2001 5 (4), 201–208
L’élevage du “mouton de case” : aspects techniques,socio-économiques et perspectives d’amélioration auYatenga (Burkina Faso)
Hamidou Boly (1), Jean-Baptiste Ilboudo (1), Mamadou Ouedraogo (1), Fabio Berti (2),Philippe Lebailly (2), Pascal Leroy (3)
(1) Institut du Développement rural (IDR). Université polytechnique (UPB). BP 1091 Bobo Dioulasso (Burkina Faso). (2) Unité d’Économie et de Développement rural. Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux. Passage des Déportés, 2. B–5030 Gembloux (Belgique). E-mail : berti.f@fsagx.ac.be(3) Institut vétérinaire tropical et Faculté de Médecine vétérinaire. Université de Liège. Boulevard de Colonster, 20. B–4000 Liège (Belgique).
Reçu le 16 mars 2001, accepté le 26 octobre 2001.
Une analyse technique et socio-économique, suivie des perspectives d’amélioration de l’élevage du “mouton de case” dans la province du Yatenga au Sahel Burkinabé, a été effectuée à partir d’enquêtes semi-structurées, réalisées de juin à septembre 1997, dans 65 exploitations réparties entre 16 villages. Cet élevage est assuré par des femmes âgées de 32,5 ± 5,7 ans, d’ethnies mossi à 80 % et peul à 20 %. Les moutons sont des béliers entiers de race sahélienne (75 %) et des produits croisés sahélien × Djalonké (25 %). L’opération d’embouche dure en moyenne 10 mois, pour un âge compris entre 8 et 18 mois, et occasionne les frais suivants (en francs CFA, 1 F CFA = 0,01 franc français) : achat du mouton (13.500 F CFA), frais et actes vétérinaires (5.000 F CFA), coûts alimentaires (15.000 F CFA), frais divers (3.350 F CFA), soit un coût total moyen de 36.850 F CFA. La vente des produits a lieu au village juste avant la Tabaski. Elle se réalise avec des commerçants intermédiaires à un prix moyen de 27.000 ± 4.000 F CFA, soit un solde négatif moyen de 9.850 F CFA. Cette vente est satisfaisante pour les femmes qui n’accordent pas d’importance aux coûts des aliments provenant de l’exploitation des ressources naturelles. Trois voies complémentaires sont envisagées pour augmenter la rentabilité de l’élevage du mouton de case : 1) mieux gérer les contraintes sanitaire et génétique de ce type d’élevage ; 2) augmenter le prix de vente moyen des béliers pour qu’ils atteignent au moins leur prix de revient ; 3) mener une campagne de marketing mettant l’accent sur le rapport qualité/prix et sur l’impact social de cette activité. Mots-clés. Ovin, élevage, engraissement, technique d’alimentation, économie agricole, sociologie économique, Burkina Faso. Household sheep farming: technical, socioeconomic aspects and improvement prospects in Yatenga (Burkina Faso). The paper presents a technical and socioeconomic analysis of the domestic sheep production and prospects of improvement in the province of Yatenga in the Sahelian Burkina Faso. A semistructured survey was carried out from June to September 1997 in 65 family farms distributed among 16 villages. The sheep are kept by women aged of 32.5 ± 5.7 years, of the ethnic groups Mossi (80%) and Peul (20%). 75% of the sheep are rams of Sahelian breed and 25% are crossbreeds of Sahelian × Djalonké. The length of fattening period is 10 months on average starting at an age of 8 months and ending at 18 months. This period leads to the following expenses (in CFA francs, 1 CFA F = 0,01 French franc): purchase of the sheep (13,500 CFA F), veterinary treatments (5,000 CFA F), feed costs (15,000 CFA F), various expenses (3,350 CFA F), adding to an average total cost of 36,850 CFA F. The rams are sold to intermediate tradesmen in the village just before the Tabaski at an average price of 27,000 ± 4,000 CFAF. The result shows on average a negative balance of 9,850 CFAF. Nevertheless, this sale is satisfactory for the women who do not consider as important the costs of feed which comes from the exploitation of natural resources. Three complementary ways are identified to increase profitability of household sheep fattening: 1) to improve the management of sanitary and genetic constraints ; 2) to increase average selling price of rams compared, at least, to the cost price; 3) to develop a marketing campaign emphasizing quality-price ratio and social impact of the activity. Keywords. Sheep, animal husbandry, fattening, feeding systems, agricultural economics, rural sociology, Burkina Faso. Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2001 5 (4), 201–208 1. INTRODUCTION
se compose d’herbacées (P e n n i s e t u m, B r a c h i a r i a,L o u d e t i a ), associées à des arbustes des genres
L’élevage du “mouton de case” s’inscrit de plus en
Balanites, Ziziphus, Guiera, Vitellaria, Leptadenia
plus dans les programmes de développement rural
agro-écologique sahélien (Dumas, Raymond, 1974 ;
Les élevages de “moutons de case” dans la zone
Charray et al., 1980 ; Haumesser, Gerbaldi, 1980 ;
couverte par le projet PAE sont au nombre de 65,
Thimonier et al., 1986 ; Bourzat et al., 1987). Il vise à
répartis dans 16 villages. Ces villages sont situés dans
fournir, entre autres, des matières organiques néces-
un rayon moyen de 20 km du chef-lieu de la province,
saires pour enrichir les champs de cultures, à valoriser
Ouahigouya. Ils sont reliés au chef-lieu par des routes
au mieux les résidus de récoltes et des travaux
en terre, praticables en toute saison. La liaison entre
ménagers (son et résidus alimentaires) et enfin,
les villages est faite par des pistes cyclables.
surtout, à générer des revenus substantiels nécessairespour payer les soins de santé, la scolarisation des
2.2. Méthode
enfants et les besoins quotidiens de la famille. Ce petitélevage étant principalement assuré par les femmes, il
La méthodologie d’investigation utilisée est celle de
permet à cette frange de la population, le plus souvent
l’enquête semi-structurée. Ces enquêtes ont été réalisées
marginalisée par des coutumes traditionnelles, de se
de juin à septembre 1997 dans 65 exploitations. Les
prendre en charge et de subvenir non seulement à ses
fiches d’enquêtes ont été conçues avec l’objectif de
besoins mais aussi à ceux des enfants. Les enfants sont
recueillir les informations suivantes : identification du
initiés à ce concept d’élevage depuis leur jeune âge ;
responsable et du type d’élevage, technique et
cette situation permet d’assurer la pérennité de
contraintes d’élevage, impact socio-économique et
enfin perspectives d’amélioration souhaitées par les
Après une décennie de mise en œuvre des
opérations d’embouche du mouton de case par les
Les entretiens ont été précédés d’une recherche
femmes dans la province du Yatenga au Sahel
bibliographique sur l’historique des activités du projet
Burkinabé, la question est de savoir si l’opération a
dans la zone concernée par l’enquête.
atteint ses objectifs sur les aspects de la technique
La présentation des sites d’étude et des élevages de
d’élevage et de la rentabilité socio-économique.
moutons de case du projet a été effectuée par le
C’est l’objet de la présente étude qui se propose, à
responsable de la zone du projet. Les objectifs de
partir d’enquêtes de terrain réalisées entre juin et
l’enquête ont été exposés aux différents acteurs de
septembre 1997, auprès de 16 villages suivis par le
l’opération mouton de case. Des programmations de
Projet Agro-Écologique (PA E )1 dans le Sahel
passage ont ensuite été prises individuellement par
Burkinabé (Yatenga), de faire le point sur les acquis
éleveur pour répondre aux questionnaires de l’enquête.
techniques et socio-économiques afin de dégager des
Un second passage a été effectué un mois plus tard dans
certains élevages (10 %) pour vérifier la constance etla fiabilité des premières informations obtenues. 2. MATÉRIELS ET MÉTHODES
Les données recueillies ont été analysées à l’aide
du tableur Excel 97 pour retrouver des facteurs de
2.1. Site expérimental
variation et la signification de certaines données.
La province du Yatenga se situe au nord du BurkinaFaso et est comprise entre 12°58 et 14°07 de latitude
3. RÉSULTATS
nord et 1°41 et 2°53 de longitude ouest. Elle est situéeà environ 180 km au nord-ouest de la capitale
3.1. Aspects organisationnels
Ouagadougou et possède, dans sa partie nord-est, unefrontière avec le Mali. Le climat est sahélien avec une
Au sein des villages, l’élevage du mouton de case se
saison humide de juin à septembre, une pluviométrie
développe généralement dans des concessions très peu
annuelle moyenne de 450 mm et une température
distantes les unes des autres (50–100 m), avec des
moyenne de 35 °C ; une saison sèche d’octobre à mai
contacts et des relations quasi permanents. Les
avec des températures moyennes de 25 °C en
concessions sont de type familial avec des liens de
décembre–janvier (saison sèche froide) et 43 °C en
parenté très étroits du type père-fils, frère-frère ou
avril–mai (saison sèche chaude). Les sols f e r r u g i n e u x
entre cousins. Ces liens de parenté sont cimentés par
sont pauvres et la végétation, de type savane arbustive,
l’appartenance quasi totale à la même religionislamique mixée dans des pratiques coutumières
1Projet financé par l’Union européenne et s’inscrivant dans le cadre de
ancestrales. La pratique religieuse est rigoureuse avec
la convention des Nations unies pour combattre la désertification.
le respect des mœurs et coutumes et surtout la
séparation sexuelle des tâches et attributions. Les
moutons issus de ces croisements sont de couleur
femmes sont généralement défavorisées et reléguées
blanchâtre, uniforme ou tachetée de noir, marron ou
ainsi au second plan dans les prises de décision. Leur
encore bicolore bien répartie en plage à l’avant-main
rôle se limite aux travaux ménagers, champêtres ainsi
ou l’arrière-train. Dans l’ensemble, le mouton de case
que d’éducation des enfants. Elles n’ont aucun moyen
est de grande taille, avec en moyenne 0,7 ± 0,2 m au
susceptible de leur procurer l’argent nécessaire à
garrot et un poids de 20 kg à 8 mois et 50 kg à
18 mois. Ces moutons proviennent principalement des
L’élevage du mouton de case est destiné aux
provinces du Soum, Séno et Oudalan (80 %) et de la
femmes. Une telle conception a eu l’assentiment des
hommes, qui, du reste, soutiennent les femmes danscette activité considérée comme accessoire ou annexe
Élevage. L’élevage du mouton de case concerne un
des travaux classiques de la femme. La totalité des
mâle non castré. Il est maintenu au piquet avec une
élevages appartient en effet aux femmes tant sur le
corde (2–3 m) nouée au cou. La période d’observation
plan pratique que sur celui de la gestion des revenus
et d’adaptation dure en moyenne un mois. Le mouton
générés. L’âge moyen des femmes adhérentes au
peut ensuite être maintenu seul ou associé aux autres
projet du mouton de case du PAE est de 32,3 ± 5,7 ans.
moutons (2–4) que possède la famille.
Elles sont majoritairement (80 %) du groupe ethniquemossi (52 femmes) et sont dominantes dans tous les
Santé. Le premier mois correspond à une quarantaine
villages sauf à Ouagaye et Béné occupés par des
sommaire où toutes les affections diagnostiquées sont
traitées en collaboration avec le service d’élevage
L’organisation des femmes est structurée autour du
provincial. Le déparasitage est effectué avec des
groupement villageois féminin (GVF) dirigé par un
anthelmintiques à base de Albendazole. L’ a d m i n i s t r a t i o n
bureau composé d’une présidente, une secrétaire et
est assurée par l’agent technique d’élevage. La
une trésorière. Ces groupements sont fonctionnels
prophylaxie se limite à la vaccination contre la
avec une assemblée ordinaire annuelle constitutive et
pasteurellose en période froide. Lorsque l’opération
des assemblées extraordinaires convoquées par la
d’embouche se situe en dehors de cette saison, aucune
présidente à la demande des membres adhérents. Les
autre mesure prophylactique n’est prise. Notons que si
activités des GVF sont très diverses et concernent :
la durée de la période d’embouche est relativement
l’agro-foresterie, la confection de foyers améliorés,
constante d’une année à l’autre (10 mois), il n’en va
des campagnes de sensibilisation contre l’excision, le
pas de même pour ce qui est des dates de début et de
planning familial, les campagnes de vaccination. Elles
fin de l’embouche. Ceci s’explique par le fait que les
portent également sur l’agriculture communautaire,
moutons doivent être vendus au moment de la fête de
l’élevage du mouton de case et la gestion des petits
la Tabaski dont la date change d’une année à l’autre,
crédits générés par les différentes activités.
en raison de sa dépendance du calendrier lunaire.
Le suivi sanitaire consiste au traitement de toutes
3.2. Aspects techniques d’élevage
les affections survenant au cours de l’opération d’em-bouche. Les principales manifestations cliniques sont
R a c e . L’élevage du mouton de case concerne
des symptômes digestifs avec diarrhée et météorisme,
principalement les moutons sahéliens de type Bali-
survenant le plus souvent au cours des 2 à 3 premiers
bali, peul ou apparenté (75 %). Les races issues du
mois de l’embouche. Ils sont souvent traités avec des
croisement entre les types sahélien et soudanien ou
recettes de la pharmacopée traditionnelle à base de
Djalonké se rencontrent de plus en plus (25 %). Les
plantes locales (Tableau 1). Les graines d’Acacia Tableau 1. Traitements traditionnels en élevage de type mouton de case — Traditional treatments in “domestic sheep” farming. Produits Traitement traditionnel
Graines d’Hibiscus sabdariffa L.
Abreuver de la décoction de graines d’oseille
Feuilles de Bombax constatum Pellegr. & Vuillet
Feuilles de Leptadenia hastata (Pers.) Dec’ne
Graines d’Acacia nilotica Del.
Moudre les graines, diluer dans l’eau et faire boire
Feuilles d’Azadirachta indica A. Juss.
Piler, délayer dans l’eau puis abreuver l’animal
Diospyros mespiliformis Hochst.
Écorces de Balanites aegyptiaca Del.
Moudre les écorces et étaler sur la plaie
Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2001 5 (4), 201–208 nilotica et les feuilles d’Azadirachta indica sont ainsi
comme le son ou les épis, et les restants alimentaires
utilisées en décoction pour le traitement des diarrhées.
(0,2 à 0,5 kg/j). Ces suppléments alimentaires ne sont
Les produits vétérinaires classiques sont utilisés dans
pas toujours disponibles et dépendent des restants de
les cas rebelles au traitement avec la pharmacopée
la consommation humaine. D’ailleurs, le son du mil ou
traditionnelle. Des ectoparasites (du type gale) ont été
du maïs est de plus en plus souvent inclus dans la
observés certaines années sans cependant présenter
farine servant à la préparation des repas. Les gousses
trop de gravité. Ces dermatoses proviennent
de certains ligneux (A c a c i a) sont aussi souvent
généralement des élevages d’origine des animaux et se
incorporées dans cette ration alimentaire. Il n’y a pas
déclarent au cours des premiers mois suivant l’arrivée
d’apport de pierre à lécher et pas d’incorporation de
dans le village. Le traitement avec le pétrole ou l’huile
nutriment spécifique sous forme de vitamines ou
de vidange pratiqué par les éleveurs permet de
d’oligo-éléments. L’eau est de bonne qualité,
circonscrire rapidement l’affection et le pronostic est
provenant des puits du village et est disponible ad
Le taux de morbidité au cours de l’opération 1997
En saison pluvieuse, la ration est essentiellement
est faible, moins de 10 %, et le taux de mortalité est
constituée par les fourrages naturels disponibles sur
nul. Ces taux varient d’une année à l’autre. Lorsque
les terres de jachère ou celles récupérées par les
l’embouche a lieu en période froide, ces taux
opérations de régénération des sols (cordon pierreux,
diguette). Les animaux vont au pâturage à la longe quiest conduite par les femmes ou les enfants. Ils
Alimentation. L’alimentation est basée sur le pâturage
s’écartent rarement de leur propriétaire qui cultive les
naturel et les résidus de récoltes et de cuisine. La
champs environnants. Les animaux pâturent durant la
formulation de la ration avec ces aliments varie
journée, de 8 h à 14 h, et sont reconduits au village
l’après-midi avec le retour des femmes. Il n’y a aucune
En saison sèche, les animaux reçoivent les résidus
supplémentation de la ration. L’abreuvement se fait le
de récoltes et quelques fourrages de P e n n i s e t u m,
plus souvent dans les mares d’eau temporaires
d ’A n d ro p o g o n, de D a c t y l o c t e n i u m et de Z o r n i a
fauchés et conservés dans des fenils (Tableau 2). La quantité distribuée est de 1 kg en moyenne par jour, Habitat. Les bergeries existantes sont sommaires et se
répartie en 3 prises, le matin, le midi et le soir. Les
limitent à une clôture munie de quelques mangeoires.
animaux reçoivent en outre des sous-produits du mil,
Il existe souvent des hangars de fortune construitspour le stockage du foin et dont le bas sert
Tableau 2. Herbacées et ligneux consommés en élevage de
accessoirement pour le refuge des animaux. Il n’existe
type mouton de case — Herbaceous and woody species,
pas de bergerie avec toiture et ouverture bien
consumed in “domestic sheep” farming.
aménagée, capable de protéger les animaux contre lesintempéries et contre les vols d’animaux.
Appellation Appellation Stade de scientifique 3.3 Aspects socio-économiques Pennisetum pedicellatum Tan. Kimbgo
Aspect social.
représente une activité qui consolide les liens entre les
membres du groupement villageois féminin (GVF).
Les femmes qui réussissent cette opération
Digitaria horizontalis Willd.
d’embouche se plaisent à pavoiser avec les moutons
qui représentent fierté et prestige social. Le mouton est
considéré comme un élément de la famille et jouit
d’une certaine considération affective, en particulier
chez les femmes plus âgées. Les moutons sont à la
limite aussi bien considérés que les enfants de lafamille. Cette “affiliation” ou affinité peut causer de
sérieux problèmes affectifs lors de la vente ou de la
perte du mouton par maladie ou vol. L’importance de
cette affinité est plus marquée avec les moutons
sahéliens qu’avec les moutons Djalonké soudaniens.
La robe uniforme blanche, bicolore blanc-noir ou
blanc-marron suscite plus d’attachement et de
L’élevage du mouton de case permet en outre une
d’embouche est planifiée pour coïncider avec cette
ouverture d’esprit des femmes et un contact par le
période de Tabaski. La vente a lieu au village, à des
biais de visite d’autres élevages et le passage des
acheteurs, commerçants de bétail qui revendent
ensuite le produit au consommateur. Notons que lemarché principal, où s’exprime l’essentiel de la
Aspects économiques. L’opération d’élevage du
demande des consommateurs, est situé dans la ville
mouton de case exige des postes de dépenses
proche de Ouahigouya. Il n’y a pas de marché fluide
représentés par l’achat du mouton, les frais sanitaires
avec contact direct entre les producteurs-vendeurs et le
et actes vétérinaires, les frais alimentaires et enfin des
consommateur final. Les intermédiaires sont des
frais divers qu’il faudrait prendre en compte dans le
commerçants en bétail qui achètent le mouton au prix
cadre d’une analyse financière de la rentabilité après
moyen de 27.000 ± 4.000 F CFA ; ce qui entraîne un
solde négatif ou un manque à gagner de 9.850 F CFA
L’achat du mouton est entièrement préfinancé par
pour les producteurs (Tableau 3). Les commerçants
le projet PAE à raison de 13.500 F CFA par mouton
intermédiaires revendent les moutons au consom-
âgé d’environ 8 mois et pesant une vingtaine de kilos.
mateur à un prix moyen de 50.000 F CFA/tête, soit un
Une caution de 3.500 F CFA est exigée pour toute
bénéfice moyen de 23.000 F C FA/tête pour une
adhésion au programme. Le remboursement du solde,
spéculation de moins d’une semaine, duquel bénéfice
soit 10.000 F CFA, est effectué à la fin de l’opération
il faut déduire le transport du village au marché qui
Les frais et actes vétérinaires sont estimés par les
Le solde négatif de 9.850 F CFA peut ne pas être
femmes à 3.000 F CFA pour toute l’opération
perçu comme tel par les femmes du village qui
d’embouche de 10 mois. Ces frais sont liés
n’accordent en fait aucun prix à l’exploitation de leurs
essentiellement à l’achat des médicaments. Les frais
ressources naturelles. La prise en compte de ce volet
de consultation et de déplacement du vétérinaire ne
permet également de valoriser la fauche et la
sont généralement pas inclus, car assurés par les
conservation des pâturages naturels et des résidus de
services techniques d’élevage en collaboration avec le
projet PAE. Ils peuvent être estimés à 2.000 F CFA
L’activité du mouton de case est une opération qui
pour la consultation et le déplacement. Les frais
enthousiasme beaucoup les femmes. Elles souhaitent à
vétérinaires s’élèvent ainsi à 5.000 F CFA e n
l’unanimité une continuation de l’opération avec
cependant une amélioration de l’activité, notamment
Les coûts alimentaires représentent la partie
une meilleure maîtrise de la filière d’écoulement des
méconnue des dépenses puisque les femmes estiment
produits et une augmentation du nombre d’animaux
ne rien investir dans ce domaine. En réalité, les
aliments distribués ont un coût qui peut être estimé à25 F CFA/jour pour le fourrage et 25 F CFA/jour pour
Tableau 3. Recettes et dépenses (F CFA) en élevage de
les sous-produits et l’eau de boisson. Il existe
type mouton de case — Receipts and expenditure (F C FA )
actuellement un marché florissant de ces aliments
table in “domestic sheep” farming.
(fourrage et son). Ce qui donne, pour l’opération
d’embouche de 10 mois, soit 300 jours en moyenne,
une valeur de 50 F CFA × 300 jours = 15.000 F CFA.
Les frais divers sont ceux liés à la cotisation de
solidarité pour les risques de perte par mortalité ou par
vol. Cette cotisation est gérée au niveau du GVF. On
Prix de revient
peut y inclure également les coûts du travail desurveillance et d’entretien des animaux. Ils peuvent
Recettes
être estimés à 10 % des autres frais, soit 3.350 F CFA. Prix de vente
Le coût réel total de l’opération d’embouche sans
subvention aucune reviendrait à :13.500 + 5.000 + 15.000 + 3.350 = 36.850 F CFA. 4. DISCUSSIONS ET PROPOSITIONS
La vente des produits a lieu dans les semaines qui
D’AMÉLIORATION
précèdent la fête de Tabaski, période où la demande dumouton pour satisfaire le rituel religieux musulman
L’activité d’embouche du mouton de case organisée et
dépasse l’offre. Les prix sur le marché subissent
soutenue par le projet PAE est une opération digne
généralement une flambée pouvant aller du simple au
d’intérêt dans sa philosophie d’approche. Elle permet
triple. La totalité des moutons de l’opération
d’insuffler un certain dynamisme aux organisations
Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2001 5 (4), 201–208
féminines qui peuvent par ce biais entreprendre des
une légère augmentation du nombre d’animaux
actions de production et générer des revenus. Cette
d’embouche par femme et l’habitat des animaux.
activité permet aussi de rentabiliser les sous-produits
La filière d’approvisionnement des animaux
agricoles et ménagers et une meilleure intégration
d’embouche fait appel à des intermédiaires qui
agriculture-élevage. Elle permet en outre d’initier les
fournissent des jeunes béliers d’environ 8 mois aux
populations au concept d’élevage intensif, productif et
éleveurs à un prix moyen de 13.500 F CFA. Ces
rentable au détriment de l’élevage extensif contemplatif
animaux proviennent généralement de 2 régions : le
à grand effectif, souvent néfaste pour les écosystèmes
Sahel ou les provinces du terroir mossi (Passoré, Bam,
Oubritenga). Lorsque les animaux proviennent du
Cependant, l’analyse financière montre que dans le
Sahel, il y a un risque de retrouver des moutons porteurs
cadre d’une exploitation commerciale sans subvention
de germes pathogènes parasitaires (ectoparasites
du projet, l’opération est déficitaire. Il faudrait donc
comme la gale, endoparasites comme les helminthiases
revoir certains aspects pour que cette opération se
digestives), des affections bactériennes (pasteurellose)
soutienne d’elle-même et puisse être durable ou
ou des corps étrangers dans le tractus digestif. Lorsque
pérenne en l’absence de toute subvention. Les aspects
les animaux proviennent du terroir mossi, en plus des
techniques de conduite de l’élevage sont généralement
risques sanitaires précédents, les moutons sont le plus
bien maîtrisés par les femmes. Les aspects de
souvent un produit du métissage entre la race
commercialisation et d’approvisionnement méritent
sahélienne et la Djalonké naine, peu prisée par les
femmes et les adeptes du mouton de Tabaski. Pour cesraisons d’ordre génétique, il serait souhaitable de
4.1. Aspect commercialisation
développer l’élevage de type “naisseur” sur place parles femmes. Il faut dans ces conditions leur fournir un
La commercialisation des produits finis de
couple de race sahélienne. Si la reproduction est
l’embouche ovine mérite d’être mieux organisée. Une
maîtrisée, les brebis pourront donner 1,5 produit par
concertation avec les intermédiaires revendeurs doit
mise bas (Boly et al., 1992) avec 2 mises bas par an (la
permettre de vendre les produits au moins au prix de
gestation durant 5 mois). Cela fera en moyenne 3
revient de l’activité d’embouche, soit 36.850 F CFA.
produits par an avec un ratio mâle/femelle de 50 %.
Ce prix permet toujours au revendeur de se procurer
Cette opération d’élevage “naisseur” présente de
une marge bénéficiaire substantielle. Le projet pourrait
rechercher d’autres intermédiaires pour susciter unecertaine concurrence des offres de prix ou alors
– Sur le plan technique : il y a une meilleure précision
imposer des prix minimums de vente des moutons.
de la race, une réduction des risques sanitaires liée
Les femmes étant généralement très occupées par
à l’application des mesures de prophylaxie. La
leurs activités quotidiennes du ménage, il faudrait
période de quarantaine de 1 à 3 mois est supprimée.
dans ces conditions, inciter les colporteurs villageois à
Avec ces produits sains, la croissance est plus
réaliser cette opération de vente directement auprès
rapide. Le mouton pourrait donc être vendu
des consommateurs potentiels et ainsi “court-circuiter”
nettement plus jeune avec les mêmes paramètres
les intermédiaires commerçants véreux. Le projet
phénotypiques que la vente actuelle du mouton à
devrait former et informer ces commerçants du village
aux lois du marché citadin. Une campagne pourrait
– Sur le plan social : il y a une suite dans les
également être menée sur les différents médias par le
opérations et une permanence de la présence des
projet ou le service d’élevage dans le but de mieux
moutons auprès des femmes, rompant ainsi le choc
vendre, c’est-à-dire faire du marketing en insistant sur
psychologique de la séparation avec le seul mouton
le rapport qualité/prix et sur l’impact social. La
recherche de ce marché doit s’étendre en dehors de la
– Sur le plan économique : le prix d’achat d’un animal
province, notamment les grands centres urbains
à 13.500 F CFA n’existe en dépense que la première
comme Ouagadougou dont l’accès au Yatenga est
année et peut être ensuite investi ailleurs. Il y a
relativement aisé. Le GVF doit en outre s’organiser
moins d’intervention du vétérinaire et d’achat de
pour affecter à tour de rôle une des femmes
propriétaires des moutons au suivi des ventes descolporteurs.
Le tableau 4 récapitule une projection sur 4 ans
des dépenses et recettes en élevage de type mouton de
4.2. Aspect organisationnel
commercialisation actuelle, il apparaît à la 3e année,
L’aspect organisationnel de l’élevage concerne essentiel-
un bénéfice net de 1.400 F CFA avec un reliquat de
lement la maîtrise de la filière d’approvisionnement,
6 animaux. À partir de la 3e année, l’opération est
Tableau 4. Projection sur 4 années des dépenses et recettes (en F CFA) en élevage de type mouton de case — Four years plan of expenses and gains (in F CFA) in “domestic sheep” farming. Activités 1e année 2e année 3e année 4e année Animaux à l’embouche Alimentation Total des dépenses Pertes/profits Animaux restants
(2) S/Total 3 = frais de déplacement (2.000 F CFA) + médicaments (3.000 F CFA par animal). (3) GVF = 10 % du S/Total (1 + 2 + 3)(4) naissances = 1,5 par mise bas et 2 mises bas par an.
totalement auto-entretenue et génère des profits au
commercialisation. Le schéma d’exploitation proposé
bénéfice des femmes et de la collectivité. Lorsque le
avec mise en place d’un élevage “naisseur” présente
prix des ressources naturelles n’est pas pris en compte,
des avantages sur le plan technique, social et
le bénéfice peut être triplé car c’est le volet le plus
onéreux des dépenses. Les bénéfices générés peuventêtre prélevés pour la construction d’une bergerie enmatériaux locaux.
Remerciements
Cette option d’élevage “naisseur” peut également
être confiée au service d’élevage ou autres sous-
Les auteurs adressent leurs remerciements au Projet Agro-
traitants qui souhaiteraient investir dans ce domaine.
Écologique (PAE) du Yatenga, en particulier le
L’opérateur devra s’engager à produire des agneaux de
coordonnateur B. Ouédraogo, le responsable technique
qualité génétique (race sahélienne) et sanitaire (pas
A. Traoré et l’animatrice R. Ouédraogo pour leurs soutien et
d’infection parasitaire ou de corps étrangers) pour
Bibliographie 5. CONCLUSIONS
L’opération de l’élevage du mouton de case est une
Ye n i k o y e A. (1992). Cycle œstral et croissance
opération qui mérite d’être poursuivie avec des
folliculaire de la brebis Djalonké variété “mossi”. Rev.
améliorations sur le plan de l’organisation et de la
Élev. Méd. Vét. Pays Trop. 45 (3–4), p. 335–340. Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2001 5 (4), 201–208
Bourzat D., Bonkoungou E., Richar D., Sanfo R. (1987).
Guinko S. (1985). La végétation de la Haute Volta. Thèse
Essai d’intensification de la production animale en zone
de doctorat en sciences naturelles, Univ. Bordeaux III,
sahélo-soudanienne : alimentation intensive des jeunes
ovins dans le nord du Burkina. Rev. Élev. Méd. Vét. Pays
H a u m e s s e r JB., Gerbaldi P. (1980). Observation sur la
Trop. 40 (2) p. 151–156.
reproduction et l’élevage du mouton Oudah nigérien.
Charray J., Coulomb J., Haumesser JB., Planchenault D.,
Rev. Élev. Méd. Vét. Pays Trop. 33 (2), p. 205–213.
Pugliese PL., Provost A. (1980). Les petits ruminants
Thimonier J., Terqui M., Chemineau P. (1986). Conduite de
d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Synthèse des
la reproduction des petits ruminants dans les différentes
connaissances actuelles. Maisons-Alfort, France :
parties du monde. In Nuclear and related techniques inanimal production and health, IAEA Vienna, 17-21
D u m a s R., Raymond A. (1974). L’élevage des petitsruminants dans les circonscriptions de Kaya,Ouahigouya et du Sahel. Paris : SEDES, 273 p.
Aliment Pharmacol Ther 2004; 20: 1181–1188. Bacillus clausii therapy to reduce side-effects of anti-Helicobacterpylori treatment: randomized, double-blind, placebo controlled trialE . C . N I S T A * , M . C A N D E L L I * , F . C R E M O N I N I * , I . A . C A Z Z A T O * , M . A . Z O C C O * , F . F R A N C E S C H I * ,G . C A M M A R O T A * , G . G A S B A R R I N I * & A G A S B A