Muksin de Yasmin Ahmad Malaisie - 2007 - 1 h 34 mn - prises de vues réelles - visa n° 119589 - format: 1,85 - son: Dolby SR - version originale sous-titrée français Scénario : Yasmin Ahmad Production : Ahmad Puad Onah, Grand Brilliance MHz Film / Petaling Image : Low Keong Son : Vincent Poon Montage : Affandi Jamaludin Musique : Ahmad Hashim, Inom Yon Interprétation : Sharifah Aryana, Mohd Syafie Naswip, Sharifah Aleya Yasmin Ahmad
Muksin est le quatrième long métrage de Yasmin Ahmad. La cinéaste met en scène une petite fille malaisienne atypique, qui ne craint pas de jouer avec les garçons, pour évoquer sa découverte de l'amitié et de l'amour. Dans un récit basé sur sa propre jeunesse, la réalisatrice propose une image peu conventionnelle de son pays, dans un film léger et tendre, rempli d'émotion. Niveau : fin du primaire Collège : étude de l’autobiographie, au programme de 4e.
1/ La musique et la danse ont une importance capitale dans le film. Peux-tu citer les différents morceaux que l’on entend au cours du film ? (quatuor vocal de Mozart, Scènes d’enfance de Schumann, qui revient deux fois, Ne me quitte pas chanté par Nina Simone…) Les parents d’Orked lui font partager leur amour de la musique et de la danse.(Début et fin du film) 2/ La famille d’Orked est musulmane, comme 70% des malaisiens. Sont-ils pratiquants ? Deux scènes l’attestent discrètement : la lecture du Coran par les enfants et la prière. Mais ni la mère, ni la fille ne portent le voile. La mère conduit la voiture, le père pend la lessive, c’est le monde à l’envers… Les voisins sont jaloux et les enfants racontent que « la mère d’Orked se conduit comme une blanche ert qu’elle porte la culotte ». 3/ En quoi la famille d’Orked est-elle différente de celle des voisins ? Les voisins suivent des traditions dépassées, et sont choqués par la liberté des parents d’Orked. Les parents d’Orked vivent de façon insouciante, vont voir un match de foot pour se détendre, ne paient pas le canapé commandé… 4/ En quoi la relation des deux enfants est pleine de délicatesse ?
Muksin aménage son vélo pour qu’ Orked soit installée confortablement. Il lui demande aussi de ne jamais se couper les cheveux. Elle lui apprend quelques rudiments d’Anglais. 5/ En quelle saison sommes-nous ? Est-ce que le fait d’avoir choisi cette saison apporte un plus ? Nous sommes en été. La nature est en pleine gloire. La Malaisie verdoyante (très semblable au Vietnam : palmiers, rizières… ) devient un immense terrain de jeux pour les enfants. La vie s’écoule paisiblement au rythme lent de la bicyclette et du vol des cerfs-volants dans un ciel bleu d’azur. Le bonheur est total. 6/ La réalisatrice aborde-t-elle des sujets plus forts ? La jalousie, la polygamie chez les voisins. L’homme part une semaine prendre une nouvelle épouse, alors que sa femme est enceinte. L’alcoolisme chez Hussein, le frère de Muksin. La mort de la mère de Muksin et Hussein, qui s’est suicidée. La séparation finale des deux enfants. 7/ Les vêtements pendus dans l’arbre ont-ils une signification ? C’est un signe que Muksin laisse à Orked alors qu’il est reparti. C’est en relation avec la légende de la jeune fille disparue en laissant ses vêtements dans les arbres. Le cinéma malaisien commence à arriver sous nos contrées. Un panorama a été visible en avril 2007 au Festival du film asiatique de Deauville, puis au Festival Hors Ecran à Lyon. D’autre part, on a pu voir deux cinéastes qui sont allé tourner leur dernier film en Malaisie. Patrick Tam avec After this our exile et Tsai Ming-liang avec I don’t want to sleep alone. Je crois que Muksin est le premier film malaisien à sortir en France. Même s’il est « vendu » comme un film pour enfant, il ne faut pas passer à côté. Résumé : Au coeur d'un village malais, les parents d'Orked suscitent critiques et jalousies par leur comportement atypique : ils ne craignent pas d'exposer leur amour au grand jour, ni d'élever leur fille comme un garçon. En faisant la connaissance du jeune Muksin, Orked va vivre une tendre amitié. Le titre Muksin est en rapport avec le nom d’un jeune adolescent de douze ans (en fait, il s’appelle Mukhsin). Mukhsin fait la connaissance de Orked, qui elle a dix ans. Ils sont tous les deux différents des autres enfants. Orked n’a pas envie de jouer aux poupées et au mariage avec les autres petites filles. Mukhsin est recueilli chez une amie de sa mère. C’est le temps des vacances, des premières amours et nos deux adolescents vivent ce moment avec tendresse et difficultés. Orked est malaise. Ses deux parents sont libéraux. Sa mère parle anglais, ce qui est mal vu des voisins et surtout d’une voisine jalouse de sa liberté d’autant que son mari la trompe ouvertement avec une jeune femme. Le père de Orked est
bonhomme, il fait souvent des blagues et prend la vie comme elle vient. Ils vivent avec la grand-mère, Kak Yam, une femme joviale qui fût chanteuse. En Malaisie, la société est divisée en groupes ethniques. Orked est sa famille sont des Malais musulmans. Pour eux, la loi islamique s’applique avec tout ce que cela inclut (la plupart des Etats de la confédération malaisienne sont des sultanats islamiques). Ainsi, les voisins ne comprennent pas pourquoi la maman de Orked laisse son mari faire la cuisine, pendre la lessive (des culottes féminines…). Quand Mukhsin demande à Orked pourquoi elle est dans une école chinoise, elle répond qu’elle veut apprendre le chinois parce qu’elle connaît déjà le malais. En vérité, c’est pour se défaire du poids des contraintes sociales. La disparité entre les deux populations malaises et chinoises sont particulièrement montrées avec Hussein, le grand frère de Mukhsin, qui passe du temps dans le quartier chinois (comprendre : boire, fumer des cigarettes et voir des prostituées). Hussein est en marge de la société. Il est chômeur, haï de ses parents et n’arrive à trouver sa place nulle part. Cependant Muksin est loin d’être un film triste. Tous les malheurs du monde ne s’abattent pas sur les personnages. Au contraire, il est souvent d’une drôlerie inespérée. Je citerai par exemple la scène du canapé où des créanciers viennent le récupérer parce le père de Orked n’a pas payer les traites. Le père réagit en disant que le temps que les magasins s’aperçoivent qu’il n’a pas d’argent, il pourra aller acheter un canapé tous les trois mois. Comme il y a douze magasins de canapés, la famille aura un canapé neuf tous les trois mois pendant trois ans. La scène de la punition est aussi très drôle, comme celle de la confection de glace au lait et au chocolat. La cinéaste, qui en est à son quatrième film, amène toujours la scène de manière sérieuse, propose un développement incongru et la termine avec beaucoup d’humour. Muksin est fait de saynètes souvent filmées en plan séquence et qui évoque le style d’Abbas Kiarostami. A priori, le film est largement autobiographique et est un hommage à ses parents. Le final est peut-être un peu maladroit (la cinéaste en voix off explique que cette histoire est celle de sa jeunesse et de son premier amour raté), mais suivant son style, elle amène ses parents jouer une joyeuse chanson au piano avec toute l’équipe du film. Le film donne aussi souvent de l’émotion, particulièrement dans la scène où la famille écoute Ne me quitte pas chanté par Nina Simone. Muksin est un film sacrément enthousiasmant. Publié par Jean Dorel
Critiques : La grande force de ‘Muksin’ est de dépeindre cette histoire extrêmement naïve avec une extravagance, une bonté et un idéalisme qui la sauve de la mièvrerie. Grâce à de savants mélanges interculturels, le film fonde une esthétique inédite, qui confère une saveur unique à l’apparente simplicité de l’histoire. Des musiques traditionnelles ornent une chorégraphie à la ‘Pulp Fiction’ sous la mousson, jusqu’à
une séquence sublime où l’amour qui lie les deux enfants du film se casse la figure sur un ‘Ne me quitte pas’ chanté par Nina Simone. ‘Muksin’ se révèle saisissant dans la manière dont il distille à partir d’éléments culturels ce qui touche à l’humain et non au communautaire. Sous ce mélange affleure notamment une autre vision de l’Islam, en paix, harmonieusement inséré dans un ensemble de modes de vie hétérogènes. Sous une lumière de paradis perdu, entre deux achats de canapés à crédit et échanges de mimiques secrètes entre les parents de l’héroïne, l’utopie touche juste. Quelque chose de l’ordre de la conjugalité bienheureuse, de la connivence intellectuelle entre le père et la mère, d’une conception du bonheur qui ne s’avère que rarement mais dont le fantasme est universellement partagé. Un hommage renversant à la maison du bonheur, dans laquelle on ne vit plus mais qui nous habite. En filmant dans la Malaisie d’aujourd’hui la rencontre entre Orked, jeune fille de 10 ans un peu farouche, un peu garçonne mais terriblement attachante, et Muksin, garçon de 12 ans beaucoup plus réservé et déchiré émotionnellement, Yasmin Ahmad livre une histoire fragile dans la langueur d’un été. La découverte des premiers émois amoureux se dessine au détour d’une réalité sociale de deux familles
D’une cohérence visuelle indéniable, la caméra de Yasmin Ahmad pose une tendresse significative en jonglant habilement entre les parties de foot, les balades à vélo, les lancers de cerfs-volants des deux jeunes amoureux et la description d’un intime familial qui sert également de prisme sociologique à l’étude d’un pays. Par ce double regard, la réalisatrice propose une galerie de personnages très bien croqués (les parents d’Orked sont à ce titre drôles et émouvants, volant presque la vedette aux deux jeunes amoureux) et offre une vision non linéaire à son propos. Le vrai sujet de film : la rencontre entre une jeune fille et un jeune garçon que tout sépare. L’enchaînement des situations dans la spécificité d’un décor à la volupté douce, fait de ce long-métrage une invitation à l’insouciance et à l’errance du cœur. En ne créant pas de coupure entre le monde des enfants et celui des adultes, la réalisatrice esquisse l’importance des liens trans-générationnels et englobe sa romance estivale dans une sociologie plus complexe. Outre l’histoire d’amour qui prend forme, des sujets aussi forts que la jalousie, la polygamie ou la mort sont abordés. Si l’ensemble reste au stade de l’esquisse, il est intéressent de constater l’universalité de tous ces sujets. Le rapport à la religion, à la mort ou bien au mariage n’est pas traité sous l’angle culturel, mais sert uniquement de toile de fond au vrai sujet de film : la rencontre entre une jeune fille et un jeune garçon que tout sépare (caractère, classe sociale, environnement familial), mais qui finissent par
s’aimer, d’un amour tendre et protecteur. Film poétique et intense, Muksin mérite sans doute que l’on s’y arrête, ne serait-ce que pour profiter un peu des paysages, des traditions et de la portée symbolique d’un film beau et sincère. Geoffroy Blondeau- 12/02/2008
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