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FLASH APRAM
Du 27 janvier 2012
(n° 180)
TUE, 25 janvier 2012, T-332/10, Viaguara
Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque antérieure -
art. 8, § 5, RMC

Le signe VIAGUARA ne peut être enregistré pour des boissons, notamment énergisantes oualcoolisées, car, même sans créer de confusion, il tire indûment profit du caractère distinctif ou de larenommée de la marque antérieure VIAGRA enregistrée pour des médicaments.
Le Tribunal de l'Union européenne (TUE) a jugé que même s’il n’y a pas de lien direct entre lesproduits en cause, qui sont dissemblables, l’association avec la marque VIAGRA demeure possible,eu égard à la similitude élevée des signes et à l’immense renommée de la marque VIAGRA. Cetterenommée s’étend non seulement aux consommateurs des médicaments, mais également àl’ensemble de la population (points 29 et 50).
Le TUE rappelle qu’outre sa fonction d’origine, une marque agit également comme moyen detransmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou les caractéristiquesparticulières des produits ou services qu’elle désigne, ou les images et les sensations qu’elle projette,tels que le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens la marque possèdeune valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou servicesqu’elle couvre (point 57).
Un profit est indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure lorsqu’ily a un risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques qu’elle projette soienttransférées aux produits désignés par la marque attaquée, ce qui faciliterait leur commercialisation parcette association avec la marque renommée (point 59).
En l’espèce, le TUE observe que même si les boissons concernées ne sauraient procurer réellementle même bénéfice que le médicament, le consommateur sera néanmoins enclin à les acheter enpensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfertdes associations positives projetées par l’image de la marque VIAGRA (point 67). Le médicamentconcerné faisant aussi l’objet d’un usage « récréatif » au sein des plus jeunes tranches d’âge de lapopulation, le TUE relève que l’image de vitalité et de puissance dégagée par la marque pourrait êtretransférée à des produits non médicaux et, notamment, aux boissons, de nature différente, maisconsommées lors de sorties ou de fêtes (points 70 et 71). Le TUE en conclut que le signe VIAGUARAtente de se placer dans le sillage de la marque VIAGRA (point 76).
Equipe FLASHMarianne Schaffner et Tanguy de Haan « Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale VIAGUARA – Marque communautaire verbale antérieure VIAGRA – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 » Viaguara S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Mes R. Skubisz, M.
Mazurek et J. Dudzik, avocats,
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)
(OHMI),
représenté par Mme K. Zajfert, en qualité d’agent,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenantdevant le Tribunal, étant Pfizer Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée initialement par
M. M. Hawkins, solicitor, Mes V. von Bomhard et A. Renck, avocats, puis par Mes von
Bomhard, Renck et Mme M. Fowler, solicitor,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recoursde l’OHMI du 20 mai 2010 (affaire R 946/2009-1), relative à une procédured’opposition entre Pfizer Inc. et Viaguara S.A., composé de MM. S. Papasavvas, président (rapporteur), V. Vadapalas et K. O’Higgins,juges, greffier : Mme J. Weychert, administrateur, vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2010, vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre2010, vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17décembre 2010, à la suite de l’audience du 10 novembre 2011, Antécédents du litige
1 Le 3 octobre 2005, la requérante, Viaguara S.A., anciennement Viaguara sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office del’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), envertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marquecommunautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE)n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p.
1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal VIAGUARA.
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits etdes services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé etmodifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante : – classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ; – classe 33 : « Boissons alcoolisées ; liqueurs ; eaux de vie ; vins ».
4 La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 47/2006, du 20 novembre 2006.
5 Le 7 février 2007, l’intervenante, Pfizer Inc., a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement dela marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
6 L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure VIAGRA désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante :« Produits et substances pharmaceutiques et vétérinaires ».
7 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b),et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].
8 Le 30 juin 2009, la division d’opposition a rejeté l’opposition.
9 Le 13 août 2009, l’intervenante a introduit un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la divisiond’opposition.
10 Par décision du 20 mai 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition.
11 En substance, si, s’agissant du motif tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a confirmé l’interprétation de ladivision d’opposition selon laquelle, en dépit de la forte similitude des signes en conflit,il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, les produits désignéspar ces dernières étant différents, elle a, en revanche, accueilli l’opposition en ce qu’elleétait fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. À cet égard, elle aconstaté que, premièrement, les signes en conflit étaient fortement similaires et que, parconséquent, un lien serait établi entre eux ; deuxièmement, la marque antérieurejouissait d’une renommée incontestable dans l’ensemble de l’Union européenne pour unmédicament destiné au traitement des dysfonctions érectiles et, troisièmement, il y avaitun risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit ducaractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.
Conclusions des parties
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : – condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.
13 L’OHMI, soutenu par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : – condamner la requérante aux dépens.
Sur la recevabilité de certaines annexes à la requête 14 L’intervenante a contesté, dans le cadre de son mémoire en réponse, la recevabilité des annexes A 6 à A 8 à la requête, au motif qu’elles auraient été présentées pour lapremière fois devant le Tribunal. Lors de l’audience, elle a toutefois déclaré ne pasmaintenir son objection quant à la recevabilité de l’annexe A 7, qui contient des photosdu conditionnement et des emballages de certains des produits de la marque demandée,à savoir les boissons alcoolisées, tels que commercialisés par la requérante. En effet,force est de constater que ces photos figurent dans le dossier de la procédure devant lachambre de recours transmis au Tribunal au titre de l’article 133, paragraphe 3, de sonrèglement de procédure et qu’elles ont été, au demeurant, produites par l’intervenanteelle-même devant la division d’opposition, dans le cadre des preuves à l’appui de sonopposition à l’enregistrement de la marque demandée. Le fait que la dimension desphotos produites par la requérante soit plus réduite que celle des photos produites parl’intervenante et qu’elles ont été produites pour illustrer des arguments différents estsans pertinence.
15 En revanche, les annexes A 6 et A 8 constituent des pièces non produites auparavant devant les instances de l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, selon unejurisprudence constante, le recours en annulation porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 65 durèglement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas, dans ce cadre, deréexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour lapremière fois devant lui. Des éléments de fait qui sont invoqués devant le Tribunal sansavoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI ne sauraient affecter lalégalité d’une telle décision que si l’OHMI avait dû les prendre en considérationd’office [arrêts du Tribunal du 13 juillet 2004, Samar/OHMI – Grotto (GASSTATION), T-115/03, Rec. p. II-2939, point 13, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI– LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T-346/04, Rec. p. II-4891, point 19].
16 Partant, il convient de conclure que les annexes A 6 et A 8 doivent être déclarées 17 À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.
18 La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée est contraire à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, dans la mesure où le lien entre les marques enconflit requis pour l’application de cette disposition n’a pas été apprécié de manièreglobale, mais a été déduit exclusivement de la conclusion relative à la similitude dessignes. Or, selon la requérante, ce lien ferait défaut, les produits désignés par lesmarques en conflit étant complètement différents et les signes n’étant pas fortementsimilaires. Par conséquent, elle soutient que, en dépit de la renommée très importante dela marque antérieure, aucune association ne pourrait être établie dans l’esprit du publicpertinent avec la marque demandée. Ainsi, elle considère que la condition relative aurisque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire profit du caractèredistinctif ou de la renommée de la marque antérieure n’aurait pas dû être examinée parla chambre de recours. À titre subsidiaire, elle fait valoir que l’appréciation de lachambre relative audit risque est erronée, tant en ce qui concerne l’image associée à lamarque antérieure qu’en ce qui concerne le degré de proximité des produits visés par lesmarques en conflit.
19 L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
20 Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée estégalement refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marqueantérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services quine sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque,dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans laCommunauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’unerenommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marquedemandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de lamarque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».
21 Il ressort du libellé de cette disposition que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ;deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif dela marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renomméede la marque antérieure ou leur porterait préjudice. Ces conditions sont cumulatives etl’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts duTribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OMHI – Spa Finders Travel Arrangements(SPA-FINDERS), T-67/04, Rec. p. II-1825, point 30 ; du 22 mars 2007, Sigla/OHMI –Elleni Holding (VIPS), T-215/03, Rec. p. II-711, point 34, et du 12 novembre 2009, SpaMonopole/OHMI – De Francesco Import (SpagO), T-438/07, Rec. p. II-4115, point 14].
22 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certaindegré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel lepublic concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établitun lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir ordonnance de la Courdu 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C-136/08 P, non publiée au Recueil, point 25,et la jurisprudence citée).
23 L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre lesmarques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques enconflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou servicesainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, ledegré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieureet l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir, par analogie, àpropos de l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la première directive 89/104/CEE duConseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur lesmarques (JO 1989, L 40, p. 1), disposition qui est en substance identique à l’article 8,paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, arrêts de la Cour du 27 novembre 2008, IntelCorporation, C-252/07, Rec. p. I-8823, point 42, et du 12 mars 2009, Antartica/OHMI,C-320/07 P, non publié au Recueil, point 45, et ordonnance Japan Tobacco/OHMI,précitée, point 26).
24 Si, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de lamarque antérieure, ou de leur porter préjudice (arrêt Antartica/OHMI, précité, point 44 ;voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, précité, point 31), l’existence de ce lien nesaurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintesvisées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lesquelles constituent lacondition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition(ordonnance Japan Tobacco/OHMI, précitée, point 27).
25 Afin de bénéficier de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque antérieure doit rapporter la preuve que l’usage de lamarque postérieure tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée dela marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. À cette fin, ledit titulaire n’est pastenu de démontrer l’existence d’une atteinte telle que visée par cette disposition qui soiteffective et actuelle à sa marque. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteintedécoulera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire desa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre laréalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à unrisque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir ordonnance JapanTobacco/OHMI, précitée, point 42, et la jurisprudence citée).
26 S’agissant, enfin, du public pertinent à prendre en considération, il convient de souligner que ledit public varie en fonction du type d’atteinte allégué par le titulaire de la marqueantérieure (arrêt Antartica/OHMI, précité, point 46). En effet, l’existence des atteintesconstituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marqueantérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou desservices pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé etraisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par leprofit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure,dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulairede la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen desproduits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée,normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du Tribunal du 7décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI–Worldgem Brands (NIMEI LAPERLA MODERN CLASSIC), T-59/08, non encore publié au Recueil, point 35].
27 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité de la décision Sur la renommée de la marque antérieure 28 Pour satisfaire à la condition relative à la renommée (voir point 21 ci-dessus), une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produitsou services couverts par elle (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, General Motors,C-375/97, Rec. p. I-5421, point 31, et arrêt SPA-FINDERS, précité, point 34).
29 Il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il est constant entre les parties que la marque antérieure jouit d’une renommée importante en tant que médicament destiné autraitement de la dysfonction érectile dans une partie significative du territoire del’Union. Par ailleurs, force est de constater que la chambre de recours a conclu, sansêtre contredite par la requérante, que la renommée de la marque antérieure s’étend nonseulement aux consommateurs de médicaments en cause, mais également à l’ensemblede la population.
30 Il y a lieu de considérer, au vu de ce qui précède, que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que la marque antérieure possédait une renommée incontestable dansl’ensemble de l’Union. Partant, la deuxième condition requise par l’article 8, paragraphe5, du règlement n° 207/2009 est remplie.
31 Il convient donc de vérifier, ensuite, si les autres conditions requises pour l’application de la disposition susvisée sont satisfaites, à savoir si le degré de similitude entre lesmarques en conflit serait tel qu’un lien puisse être établi par le consommateur moyenentre lesdites marques et, le cas échéant, s’il y a un risque que l’usage sans juste motifde la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renomméede la marque antérieure, ou leur porte préjudice.
32 Il y a lieu de rappeler que la comparaison des signes doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impressiond’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs élémentsdistinctifs et dominants [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 avril 2008, Citigroupet Citibank/OHMI–Citi (CITI), T-181/05, Rec. p. II-669, point 65].
33 Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livrepas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, KleinTrademark T-185/07, Rec. p. II-1323, point 34, et la jurisprudence citée].
34 Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe desdifférentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée enmémoire [voir arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI - GonzálezCabello et Iberia Lìneas Aéreas de España (MUNDICOR), T-183/02 et T-184/02, Rec.
p. II-965, point 68, et la jurisprudence citée].
35 Sur le plan visuel, il y a lieu de relever, tout d’abord, ainsi qu’il a été constaté par la chambre de recours, que l’ensemble des lettres qui composent la marque antérieure sontcontenues dans la marque demandée. Les quatre premières lettres de la marqueantérieure, à savoir les lettres « v », « i », « a » et « g », sont reproduites au début de lamarque demandée et dans le même ordre. Il y a lieu de relever, ensuite, que la partiefinale de la marque demandée, constituée par les lettres « r » et « a », est identique àcelle de la marque antérieure. Enfin, la seule différence entre les marques en conflitréside dans le fait que la marque demandée contient deux lettres supplémentaires, « u »et « a », placées au milieu de celle-ci.
36 Or, il y a lieu de rappeler que, s’agissant des marques verbales, le consommateur prête généralement plus d’attention à la partie initiale du mot (voir, en ce sens, arrêtMUNDICOR, précité, points 81 et 83). Ainsi, la présence de la même racine « viag »dans les signes en conflit crée une forte similitude visuelle qui est, de plus, renforcée parla partie finale « ra » commune aux deux signes. Partant, l’argument de la requérantefondé sur la différence fondamentale des signes issue de la présence de deux lettressupplémentaires « u » et « a » au milieu de la marque demandée ne saurait prospérer etn’est, en tout état de cause, pas suffisant pour remettre en cause la conclusion de lachambre de recours selon laquelle les marques en conflit présentent une similitudevisuelle.
37 L’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait accordé trop d’importance à la présence de l’élément « via » situé au début des deux marques, alorsqu’il y aurait de nombreuses marques communautaires enregistrées pour des produitsrelevant des classes 5, 32 ou 33 commençant par ledit préfixe, ne saurait prospérer, euégard à la jurisprudence citée au point précédent. Au demeurant, il convient de releverque l’annexe A 6 qui illustrerait cet argument a été déclarée irrecevable, ainsi qu’ilressort du point 16 ci-dessus.
38 Sur le plan phonétique, il y a lieu de constater que, selon la prononciation et l’accent dans la plupart des langues employées au sein de l’Union, la marque antérieure sera prononcée « via-gra » ou « vi-a-gra », et la marque demandée « via-gua-ra », « vi-a-gua-ra », ou encore « vi-a-gu-a-ra ». En toute hypothèse, le son obtenu par la premièresyllabe « via » ou les deux premières syllabes « vi » et « a » sera identique et sera suivipar le son produit par la lettre « g ». De même, les deux dernières lettres des marques enconflit seront prononcées de manière identique, à savoir « ra ». Quant à l’élément « ua »qui n’est présent que dans la marque demandée, il sera prononcé, soit « oua », soit « a ».
En tout état de cause, que le suffixe « guara », situé à la fin de la marque demandée, soitprononcé « gouara » ou « gara », avec un son dur, cet élément demeure hautementsemblable au son produit par la partie finale de la marque antérieure, à savoir « gra ».
Compte tenu du fait que le début des marques, auquel le consommateur a tendance àprêter plus d’attention, sera prononcé à l’identique, ce qui vaut également pour la partiefinale des deux marques « ra », la différence introduite par les lettres « ua » au milieu dela marque n’est pas de nature à écarter la forte similitude phonétique des marques enconflit.
39 Par conséquent, il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, que les marques en conflit présentent une forte similitude phonétique.
40 Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a relevé que, bien que le préfixe « via » commun aux deux signes signifie « route » en espagnol et constitue une prépositionsignifiant « par » ou « à travers » dans plusieurs langues de l’Union, aucun des deuxsignes n’a de signification dans son ensemble dans aucune langue de l’Union. Parconséquent, il convient de conclure qu’aucun élément ne permet de distinguer les signesconceptuellement.
41 L’argument de la requérante selon lequel l’élément revêtant une importance cruciale dans le cadre de la comparaison conceptuelle des signes serait plutôt l’utilisation du terme «guara » et non le préfixe « via », utilisé par plusieurs autres marques enregistrées, nesaurait infirmer cette conclusion. En effet, il n’est pas certain que le consommateurmoyen de l’Union l’associerait au « guarana », une plante sud-américaine qui est uningrédient des boissons alcoolisées de la requérante et, ainsi, la force évocatrice del’élément « guara » sera faible pour le public pertinent. Partant, cet élément ne permetpas non plus de différencier conceptuellement la marque demandée par rapport à lamarque antérieure, d’autant plus qu’il ne reproduit que partiellement le nom de la plantesusvisée.
42 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’il existe, de manière globale, une forte similitude entre les marques en conflit.
43 S’agissant de l’appréciation relative à l’existence d’un lien entre les marques en conflit, remise en cause par la requérante, il convient de relever que la notion de lien estétroitement liée à la condition relative à la similitude des signes, eu égard au fait que,ainsi qu’il a été rappelé au point 22 ci-dessus, les atteintes visées à l’article 8,paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 sont la conséquence d’un certain degré desimilitude entre les signes en conflit.
44 Force est toutefois de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence et que le soutient la requérante, que, s’il est vrai que plus les marques en conflit sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque postérieure évoquera dans l’esprit du public pertinent lamarque antérieure renommée, la simple similitude entre les marques en conflit ne suffitpas à conclure à l’existence d’un lien entre ces marques [voir, en ce sens, arrêt duTribunal du 28 octobre 2010, Farmeco/OHMI–Allergan (BOTUMAX), T-131/09, nonpublié au Recueil, point 77].
45 Par ailleurs, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, eu égard à son libellé (voir point 20 ci-dessus), ne requiert pas que lesproduits visés par les marques en conflit soient identiques ou similaires. Il ressorttoutefois de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus que la nature des produitsconcernés et le degré de proximité entre ceux-ci constituent des facteurs pouvant êtrepris en compte dans le cadre de l’appréciation globale relative à l’existence d’un lienentre celles-ci.
46 Il y a lieu d’examiner, ainsi, si la chambre de recours a tenu compte, dans son appréciation relative au lien susceptible d’être établi entre les marques, d’autres facteurs que lasimilitude des signes, tels que ceux mentionnés par la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.
47 En l’espèce, la chambre de recours a considéré, à titre liminaire, qu’il y avait un lien entre les signes en conflit, eu égard à la forte similitude des signes, telle que constatée dans lecadre de son appréciation relative à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n°207/2009.
48 La chambre de recours a constaté, ensuite, que la renommée de la marque antérieure était importante et qu’elle s’étendait à l’ensemble de la population de l’Union, et nonseulement aux consommateurs moyens des produits de la marque antérieure. Lachambre de recours s’est référée à cet égard à un extrait de l’arrêt de la High Court ofJustice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre etpays de Galles), division de la Chancellerie, Royaume-Uni], produit par l’intervenantelors de la procédure administrative, selon lequel la marque VIAGRA « possède uncaractère distinctif [intrinsèque], en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un mot anglais courantet qu’elle ne fait pas directement référence au caractère ou à la qualité des produits[qu’elle désigne] [ ; s]ur la base des éléments de preuve [fournis], [la marque VIAGRA]est devenue, dans un délai très court, une marque extrêmement connue [ ; i]l doit êtrerare que la dénomination commerciale d’un produit pharmaceutique entre dans levocabulaire du public en un laps de temps aussi court, […] connu de tous [comme]désignant un produit pour le traitement de la dysfonction érectile […] ».
49 De plus, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a défini le public pertinent par rapport au risque qu’un profit indu soit tiré par la marque demandée ducaractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. À cet égard, elle aconsidéré que ledit risque devant être apprécié au regard du consommateur moyen desproduits ou des services pour lesquels la marque postérieure est demandée, il convenaitde prendre en compte, aux fins de cette appréciation, le consommateur moyen del’Union de boissons alcoolisées et non alcooliques, qui sont des produits destinés augrand public, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.
50 Par ailleurs, la chambre de recours a examiné la nature des produits désignés par les marques en conflit et le degré de proximité entre ceux-ci en tenant compte des propriétés des produits visés par la marque demandée et de l’image véhiculée par lamarque antérieure renommée.
51 Ainsi, contrairement au grief de la requérante selon lequel la conclusion relative à l’existence du lien ne découle pas d’une appréciation globale des facteurs pertinents ducas d’espèce, il ressort de l’ensemble de la décision attaquée que la chambre de recoursa effectué une appréciation correcte de l’existence du lien entre les marques. En effet, lachambre de recours ne s’est pas contentée de conclure à l’existence du lien sur la basedu seul degré de similitude élevé entre les signes en conflit, mais a apprécié l’existencedudit lien sur le fondement d’une appréciation globale, dans le cadre de l’examen de latroisième condition requise par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009relative au risque qu’un profit soit indûment tiré du caractère distinctif ou de larenommée de la marque antérieure.
52 Contrairement à ce que fait valoir la requérante, même s’il n’y a pas de lien direct qui puisse être établi entre les produits couverts par les marques en conflit, lesquels sontdissemblables, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 18 de la décisionattaquée, l’association avec la marque antérieure demeure néanmoins possible, eu égardà la similitude élevée des signes et à l’immense renommée acquise par la marqueantérieure qui s’étend au-delà du public concerné par les produits pour lesquels elle aété enregistrée. Ainsi, même à supposer que les publics visés par les marques en conflitne se chevauchent pas complètement, les produits concernés étant différents, unrapprochement entre les marques est susceptible d’être établi (voir, en ce sens, arrêtIntel Corporation, précité, points 51 à 53).
53 Il s’ensuit que la première condition exigée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 est remplie, la chambre de recours ayant conclu, à bon droit, que le degré desimilitude entre les signes était tel qu’un lien est susceptible d’être établi entre lesmarques en conflit.
54 Les deux premières conditions énumérées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 étant ainsi satisfaites, il convient d’examiner si la chambre de recours aconclu, à bon droit, que le risque que l’usage sans juste motif de la marque demandéetire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure,avait été démontré par le titulaire de la marque antérieure.
Sur l’appréciation du risque de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de larenommée de la marque antérieure 55 La requérante considère, en l’espèce, que l’appréciation relative à l’existence du risque par la chambre de recours est erronée en ce que l’image de plaisir, de vitalité, de puissanceet de jeunesse que véhiculerait la marque antérieure ne serait pas compatible avec letype de produits couverts par celle-ci, à savoir un médicament sérieux, délivré surprescription et utilisé sous contrôle médical afin de soigner une pathologie grave. Parailleurs, la requérante conteste les constatations de la chambre de recours concernant ledegré de proximité entre les produits des deux marques. À cet égard, elle fait valoir quela chambre de recours a déduit de l’effet stimulant ou aphrodisiaque qui estgénéralement revendiqué par les boissons sans alcool à des fins promotionnelles ou decommercialisation que ces boissons auraient des propriétés qui coïncident avec lesindications thérapeutiques ou, à tout le moins, avec l’image de la marque antérieure et les produits visés par celle-ci. Or, la requérante estime que la chambre de recours auraitdû prendre en compte les propriétés et la nature réelle desdits produits et non cellesrelevant des pratiques de mise sur le marché.
56 Le Tribunal relève, à titre liminaire, que le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à unemarque renommée ou présentant une similitude avec celle-ci. L’objectif de cettedisposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque nationale antérieurerenommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porterpréjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirerindûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, il convientde préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrerl’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter deséléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique deprofit indu ou de préjudice (arrêt VIPS, précité, point 46). Une telle conclusion peut êtreétablie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse desprobabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteurcommercial pertinent ainsi que toutes autres circonstances de l’espèce [arrêt du Tribunaldu 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPALINE), T-21/07, non publié auRecueil, point 38].
57 Afin de mieux cerner le risque visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, il convient de relever que la fonction première d’une marque consiste incontestablementen une « fonction d’origine » (considérant 8 du règlement n° 207/2009). Il n’en restepas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autresmessages concernant, notamment, les qualités ou les caractéristiques particulières desproduits ou des services qu’elle désigne, ou les images et les sensations qu’elle projette,tels que le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens, lamarque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport àcelle des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages enquestion que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associésconfèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que,dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts etd’investissements considérables de son titulaire. C’est ainsi que l’article 8, paragraphe5, du règlement n° 207/2009 assure la protection d’une marque renommée, à l’égard detoute demande de marque identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à son image,même si les produits ou services visés par la marque demandée ne sont pas analogues àceux pour lesquels la marque antérieure renommée a été enregistrée (arrêt VIPS,précité, point 35).
58 En l’espèce, la chambre de recours a conclu qu’il y avait un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de lamarque antérieure.
59 Ce risque englobe notamment les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation. En d’autres termes, ils’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetéespar cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, desorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marqueantérieure renommée (voir arrêt SPALINE, précité, point 19, et la jurisprudence citée).
60 Il s’ensuit que, à la différence du risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif oude la renommée de la marque antérieure ne pourrait donc se produire que si le publicpertinent, sans confondre l’origine des produits ou des services visés par les marques enconflit, éprouvait une attraction particulière pour les produits ou les services dudemandeur, du seul fait qu’ils sont désignés par une marque identique ou semblable à lamarque antérieure renommée. Cela nécessiterait la preuve d’une association de lamarque demandée avec des qualités positives de la marque antérieure identique ousimilaire, lesquelles pourraient donner lieu à une exploitation ou à un parasitismemanifestes par la marque demandée [voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, JapanTobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T-128/06, non publié au Recueil,point 65, et la jurisprudence citée].
61 Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il convient de procéder à une appréciation globale qui tiennecompte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent,notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque,le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré deproximité des produits ou des services concernés. S’agissant de l’intensité de larenommée et du degré de caractère distinctif de la marque, la Cour a déjà jugé que plusle caractère distinctif et la renommée de cette marque seront importants, plus l’existenced’une atteinte sera aisément admise. Il résulte également de la jurisprudence que plusl’évocation de la marque par le signe est immédiate et forte, plus est important le risqueque l’utilisation actuelle ou future du signe tire indûment profit du caractère distinctif oude la renommée de la marque, ou leur porte préjudice (arrêt de la Cour du 18 juin 2009,L’Oréal e.a., C-487/07, Rec. p. I-5185, point 44).
62 C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si l’appréciation de la chambre de recours à l’égard de l’existence de ce risque est correcte en l’espèce.
63 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la chambre de recours a, tout d’abord, considéré, en se fondant sur l’arrêt rendu par la High Court of Justice, cité au point 48ci-dessus, relatif à une action en contrefaçon au Royaume-Uni opposant l’intervenanteet le titulaire de la marque VIAGRENE enregistrée pour des boissons contenant desextraits de plantes, que la marque antérieure véhicule, à la lumière de sa renommée etdu type de préparation pour lequel elle est utilisée, des messages de plaisir, de vitalité,de puissance et de jeunesse.
64 À cet égard, force est de constater que les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours aurait à tort tenu compte des décisions rendues par des juridictionset des offices de marques nationaux, dont fait partie la décision susvisée, ne sauraientprospérer. En effet, il est, en principe, loisible à l’OHMI et à ses chambres de recours dese fonder sur une décision nationale, en tant qu’élément de preuve, si elle est de nature àdémontrer les faits invoqués en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juillet2011, Zino Davidoff/OHMI – Kleinakis kai SIA (GOOD LIFE), T-108/08, non encorepublié au Recueil, point 23].
65 La chambre de recours a, ensuite, rappelé que, bien que le choix du suffixe « guara » par la requérante en l’espèce puisse être considéré légitime, en relation avec la plante guaranaqui est un ingrédient de ses boissons, l’association de cet élément avec le préfixe « via » ne serait pas une coïncidence. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir larequérante, cette appréciation ne saurait être interprétée dans le sens que la chambre derecours aurait admis que la marque demandée renvoie à la plante « guarana ». Il s’agit,au contraire, d’une indication que l’association du suffixe « guara » au préfixe « via » apour effet de renvoyer à la marque antérieure.
66 S’agissant, en outre, de la nature des produits concernés, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les propriétés stimulantes et aphrodisiaques revendiquées àdes fins commerciales par les boissons non alcooliques relevant de la classe 32coïncidaient avec les indications thérapeutiques du produit de la marque antérieure ou, àtout le moins, avec l’image projetée par celle-ci.
67 Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marqueantérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensantretrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait dutransfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.
68 Quant aux produits « boissons alcoolisées, liqueurs, eaux de vie, vins » relevant de la classe 33, force est de constater, en l’espèce, que la requérante elle-même a prétendu,devant la division d’opposition, que les boissons contenant du guarana avaient d’autreseffets fortifiants et stimulants sur l’esprit et sur le corps ainsi que des propriétésbénéfiques pour la santé qui sont semblables à celles d’un médicament.
69 Aussi, bien que le produit visé en l’espèce par la marque antérieure soit un médicament utilisé pour le traitement de la dysfonction érectile et délivré uniquement surprescription, il n’en demeure pas moins qu’il ne renvoie pas nécessairement autraitement d’une pathologie grave, mais à une image de vitalité et de puissance, dans lamesure où il permet aux personnes atteintes de dysfonction érectile d’améliorer leur viesexuelle et leur qualité de vie. L’association avec une telle image n’est pas incompatibleavec le « sérieux » intrinsèque du médicament.
70 Au demeurant, la chambre de recours a relevé que ledit médicament faisait également l’objet d’un usage « récréatif » au sein des plus jeunes tranches d’âge de la population.
71 Partant, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, cette image pourrait être transférée à des produits non médicaux et, notamment, aux boissons alcoolisées de la marquedemandée, de nature différente, mais qui sont consommées lors de sorties ou de fêtes.
Ces boissons pourraient ainsi être perçues par le public pertinent comme ayant desqualités aphrodisiaques et stimulantes pour le corps, sans pour autant que leur originecommerciale soit attribuée à la marque antérieure ou à une entreprise liéeéconomiquement à celle-ci.
72 En dernier lieu, s’agissant des preuves produites par l’intervenante devant la chambre de recours relatives à l’utilisation effective de la marque demandée, il convient de releverque, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à juste titre, l’usage effectif de lamarque postérieure peut être pris en compte comme une indication, une illustration de lahaute probabilité d’un risque de profit indu. Ainsi, bien que, conformément à lajurisprudence citée aux points 25 et 56 ci-dessus, le titulaire de la marque antérieure nesoit pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle, il n’en demeure pas moins que, lorsque la marque ou le signe postérieur sont déjà exploités, età chaque fois que des éléments concrets prouvant l’existence d’un lien dans l’esprit dupublic pourront être apportés, ils auront manifestement un poids considérable dansl’appréciation du risque de profit indu (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat généralMme Sharpston, présentées sous l’arrêt Intel Corporation, précité, point 84).
73 Il s’ensuit que les éléments produits par l’intervenante dans le cadre de la procédure administrative relatifs à l’usage effectif de la marque VIAGUARA sont pertinents pourapprécier la condition relative au risque.
74 Il convient de relever à cet égard que, d’une part, l’intervenante a produit un extrait du site Internet de la requérante sur lequel sont décrits les propriétés et effets de la substanceguarana contenue dans les boissons alcoolisées qu’elle exploite. Cet extrait végétalaurait prétendument des propriétés bénéfiques pour la santé, mais aussi aphrodisiaques.
Ainsi, lesdites boissons sont commercialisées en étant présentées comme favorisant laperformance sexuelle, ce qui renvoie incontestablement aux propriétés pour lesquellesest réputé le produit de la marque antérieure.
75 D’autre part, l’intervenante a produit des photos du conditionnement et des emballages des produits de la marque demandée comportant une représentation de silhouettesmasculines ithyphalliques. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’image deces silhouettes et le détail de leur anatomie est perceptible indépendamment de ladimension des emballages et renvoie directement aux propriétés de la marque antérieurerenommée. Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requéranteselon lesquels l’art primitif comporte souvent des figures nues.
76 Partant, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, il a été démontré par l’intervenante que la requérante, par l’usage d’une marque semblable à la marqueantérieure renommée, tente de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier deson pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d’exploiter, sansaucune compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de lamarque antérieure pour créer et entretenir l’image de celle-ci, de sorte à promouvoir sespropres produits. Le profit résultant dudit usage doit être considéré comme indûmenttiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure (voir, en ce sens,arrêt NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC, précité, point 44, et la jurisprudencecitée).
77 Ainsi, en raison de l’immense succès de la marque antérieure et de l’intensité de la renommée de celle-ci, le consommateur sera incité à acheter les produits de la marquedemandée en pensant qu’ils auront une efficacité semblable aux produits de la marqueantérieure.
78 En outre, doit être rejeté le grief par lequel la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la jurisprudence du Tribunal dans le cadre del’appréciation quant au risque qu’un profit indu soit tiré du caractère distinctif ou de larenommée de la marque antérieure. En effet, les décisions citées sont dénuées depertinence pour le présent litige, dès lors que, contrairement aux circonstances del’espèce, la similitude entre les marques ou le caractère distinctif de la marqueantérieure n’ont pas suffi à démontrer le risque allégué par l’opposante.
79 Dans ces circonstances, la chambre de recours a correctement conclu à l’existence d’un risque qu’un profit indu soit tiré sans juste motif du caractère distinctif ou de larenommée de la marque antérieure. Enfin, force est de constater, ainsi que la chambrede recours l’a relevé au point 50 de la décision attaquée, que la requérante n’a invoquéaucun juste motif pour l’utilisation de la marque demandée, ce qu’elle a, au demeurant,admis lors de l’audience. Cette conclusion ne saurait être infirmée par les affirmationsde la requérante, lors de l’audience, selon lesquelles les arguments qu’elle auraitinvoqués concernant l’emploi du suffixe « guara » aux fins de désigner la plante «guarana » qui est un composant de ses boissons (voir points 44 et 65 ci-dessus)pourraient être interprétés comme constituant un juste motif au sens de l’article 8,paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, d’autant plus que cette justification n’a pas étéinvoquée expressément, dans le cadre de la procédure d’opposition, comme constituantun juste motif pour l’usage de la marque demandée et que, en tout état de cause, elle necouvre pas l’utilisation du préfixe « via ».
80 Enfin, en ce qui concerne la pratique antérieure de l’OHMI invoquée itérativement par la requérante, il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer sescompétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, euégard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doitprendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires ets’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non dedécider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliéeavec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécuritéjuridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demanded’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soientenregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaquecas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critèresspécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce,destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir, en cesens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI,C-51/10 P, non encore publié au Recueil, points 73 à 77, et la jurisprudence citée ; arrêtdu Tribunal du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI–Société dedéveloppement et de recherche industrielle (ERGO), T-220/09, non publié au Recueil,point 45].
81 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 28 à 81 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré del’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, de sorte que la requérante ne sauraitutilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures del’OHMI.
82 Il ressort de tout ce qui précède que le moyen unique avancé par la requérante n’est pas fondé et que, partant, le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
83 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions del’OHMI et de l’intervenante.
1) Le recours est rejeté.
2) Viaguara S.A. est condamnée aux dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2012.

Source: http://www.apram.eu/docs/FLASHAPRAM180Viaguara.pdf

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